lundi, 22 novembre 2010

Initiative populaire UDC - Populisme, arme "démocratique"

Alors que l'initiative populaire pour le renvoi des étrangers criminels suscitant tant de débats et de passions sera soumise au vote du peuple dans une semaine, et qu'elle s'apprête à être plébiscitée aussi massivement que celle ayant interdit les minarets, il apparaît urgent et salutaire de donner un éclairage nouveau sur les enjeux et les dessous de ce projet de réforme constitutionnelle.


Il ne sera pas question de redire ici ce que chacun ou presque sait déjà. A savoir, le fait que le texte sur lequel nous nous apprêtons à voter est manifestement contraire à un florilège de dispositions de droit international. Notamment les articles 8 de la CEDH, 17 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, 16 de la convention relative aux droits de l'enfant, pour ne citer qu'eux. En effet, ces dispositions n'ont pour unique but que de protéger la sphère privée de chaque individu, ce qui comprend bien entendu la protection de la vie familiale. Or en exigeant le renvoi automatique de tout étranger ayant commis une des infractions mentionnée par le projet de réforme et en séparant de ce fait des familles ou en les contraignant à quitter la Suisse, l'initiative violera le droit à la vie privée et à la vie familiale de tous ces individus. Demeure toutefois sur le plan juridique un problème encore plus épineux concernant cette initiative: celui de sa compatibilité avec ce que les juristes appellent le droit international impératif (ou jus cogens). Ce dernier constitue une sorte de noyau dur protégeant les droits les plus élémentaires que chaque État est tenu de respecter (cette notion est toutefois interprétée très restrictivement par les États qui considèrent que le jus cogens ne comprend qu'un nombre extrêmement restreint de droits parmi lesquels on ne pourrait citer pratiquement que l'interdiction des génocides et de la torture). En instaurant l'expulsion automatique de tous les étrangers s'étant rendus coupable d'une des infractions prévue par sa lettre, l'initiative viole le droit international impératif car elle n'exclut pas le renvoi de ces individus dans des pays où ils pourraient être soumis à la torture. Mais l'essentiel n'est pas là.


La seule question digne d'intérêt qui se cachait sous cette initiative était celle de la politique de la Suisse en matière d'intégration des étrangers. Or durant les quelques mois qu'a duré cette campagne, ce thème a été savamment ignoré par l'ensemble de notre classe politique qui s'est focalisée sur le faux débat que constituait l'applicabilité et la validité juridique du texte proposé par l'UDC. On ne peut reprocher à cette dernière d'avoir encore une fois fait ce pour quoi elle est faite, c'est-à-dire surfer sur la vague éternelle du populisme et de la peur en proposant un texte qui flatte l'instinct le plus primaire des électeurs. Le parti agraire ne fait finalement là que jouer son rôle, celui d'un grand parti de droite ultra-nationaliste comme l'Europe en a tant connu et en connaîtra encore. Du moins tant qu'en face on restera dans le laxisme et la léthargie. Car c'est là que le bât blesse. Le manque de réaction des autres partis politiques face à un tel populisme met en péril la démocratie.


Pourquoi les radicaux et le PDC ne font-ils que proposer un contre-projet lâche et tout aussi condamnable que l'initiative UDC? Pourquoi le PS et les partis situés à l'extrême gauche de l'échiquier politique se contentent-ils d'opposer une vague protestation au projet? Ont-ils oublié l'existence du droit d'initiative que consacre notre constitution? Se croient-ils obliger d'en laisser l'usage exclusif aux fidèles lieutenants de M.Blocher et d'en subir sans cesse les conséquences? En bref, pourquoi sont-ils toujours sur la défensive alors que notre système politique leur offre la plus offensive des armes qui soit: l'initiative populaire!!! Car ce n'est pas en combattant Freysinger et consorts sur leur propre terrain, celui de la démagogie, que les autres partis redeviendront majoritaires dans ce pays mais bien en leur opposant une politique solide en matière sociale et particulièrement en matière d'intégration. Et cela passe par le lancement de plusieurs initiatives concernant ces domaines. En proposant par exemple des textes favorisant l'intégration des immigrés et des requérants d'asile débarquant en Suisse. En leur offrant le cadre et la structure suffisante pour s'intégrer. Car ne nous y trompons pas, si en Suisse comme partout ailleurs, le taux de criminalité des étrangers est supérieur au taux de criminalité des citoyens du pays concerné, ce n'est pas parce que les étrangers sont des êtres profondément malsains incapables de s'intégrer mais bien parce que l'Etat ne garantit pas les moyens suffisants à la réussite de leur intégration. Il s'agit donc aujourd'hui de mettre en place cette politique sociale nécessaire à la réussite du processus d'intégration. L'histoire nous a doté d'un système politique formidablement démocratique, tâchons d'en profiter aussi bien que ne le fait l'UDC actuellement. Il faut cesser de lutter de front contre cette formation politique en la regardant avec condescendance et en se contentant de critiquer ses initiatives car cela ne fait que la rendre plus forte. Il faut lui opposer des projets sérieux, consistants, répondre à l'initiative par l'initiative! Ce n'est qu'à ce prix là que nous écarterons la menace fasciste qui pèse de plus en plus lourdement sur ce pays.

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